"C'est l'histoire d'une rencontre complètement improbable : celle d'un jeune publicitaire, parisien jusqu'au bout des ongles, et d'un jeune percheron élevé en Bourgogne, rural jusqu'au bout des sabots. Tout remonte à 2005 : Oronce de Beler décide de quitter l'enfer urbain pour aller vivre dans les vignes. Il fait une formation de responsable d'exploitation agricole durant laquelle il est initié au labour des vignes avec un cheval, pratique qui avait quasiment disparu. Et, alors qu'il n'avait jamais approché un équidé de toute sa vie, il décide de se lancer dans cette activité. Son formateur lui présente alors Prosper, un jeune percheron de 2 ans. C'est le coup de foudre immédiat. Instinctivement, Oronce pressent que Prosper sera le compagnon idéal. Marché conclu. C'est le point de départ d'un apprentissage commun qui va durer deux ans. Oronce apprend à Prosper le travail délicat de la vigne et Prosper apprend à Oronce... les chevaux !
Une relation construite
Car, dans les premières heures de leur aventure commune, Oronce avait tout simplement peur d'aller chercher Prosper au pré et de lui mettre son licol. Peur de prendre un coup de pied de ce cheval fort et imposant. Sauf que... Prosper est la douceur même. "Il est très proche de l'homme, calme et affectueux, comme souvent les percherons. Mais Prosper est aussi très sensible, et même très propre sur lui" En effet, le colosse est délicat : on le voit toujours observer avec attention où il va poser ses sabots, il est toujours impeccable même au sortir du pré. Pas le genre à ce rouler dans la gadoue. Très vite, il apprivoise Oronce, complètement séduit par son "collègue". "Prosper est une perle. Il m'a pardonné toutes mes erreurs. Pour moi, Prosper, c'est un homme. L'intelligence brille dans ses yeux. Soncaractère est très humain, très subtil. Entre lui et moi, il y a de la télépathie. Le pouvoir, c'est lui qui l'a. Quand je vais le chercher le matin dans son pré, il arrive au galop. C'est lui qui décide de venir à chaque fois, et il sait que c'est pour travailler. Et quand je suis particulièrement stressé, il éprouve de la compassion !" Car Prosper est du genre à profiter de sa réputation de grand calme pour... se hâter doucement. Il faut parfois qu'Oronce lui demande trois fois d'avancer pour qu'il daigne obtempérer. Mais les jours où Oronce est préoccupé, c'est à peine si Prosper ne devance pas les instructions de son compagnon bipède...
Un duo gagnant
Prosper partage un immense pré de six hectares à Vosne-Romanée, région Bourguignonne réputée pour ses vignobles prestigieux, avec deux autres chevaux, Quarto et Théo. Le premier a été sauvé de la boucherie. Le second est un jeune poulain. Tout deux sont en apprentissage pour, à leur tour, réaliser le délicat travail de labourer des vignes dont le moindre pied vaut une fortune. Prosper est un peu leur grand frère. Calme et bienveillant, il ne leur pique jamais leur nourriture, ce qui n'est pas le cas des deux autres cabotins ! Avec son épais et beau poil d'hiver, Prosper n'a pas froid dans ce grand pré, habitué aux frimas de l'hiver. Avec son maître, il laboure les plus grands domaines vinicoles bourguignons 180 jours par an. Pour mener à bien son travail, Oronce a même inventé des charrues, sortes d'hybrides entre les charrues des années 40 et celles des années 60. Une affaire rondement menée par le duo : les domaines du coin s'arrachent leurs services. Certains des plus réputés offrent à Oronce leurs raisins en échange de son labour. Avec cette récolte, Oronce a crée son vin. Poète à ses heures perdues, il est intimement convaincu que Prosper a mis, lui aussi un peu de son âme dans ces cuvées rares. Et depuis, l'homme qui n'avait jamais approché un cheval ne peut plus imaginer de vivre sans le sien. "Où que j'aille, je l'emmènerai toujours avec moi"
Texte et Photos : Florence Leray, avec Cécile Plet
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